“La vie artistique russe en France au xxe siècle – l’art de l’émigration (peinture-sculpture)”

“La vie artistique russe en France au xxe siècle – l’art de l’émigration (peinture-sculpture)”

Thèse soutenue le 24 novembre 2008
Université Charles de Gaulle, Lille 3
Direction : François Robichon
Président de Jury : Eric Darragon, Université de Paris I
Membres du Jury :
• Sarah Wilson, Institut Courtauld, Londres
• Andreï Tolstoï, Institut d’Architecture, Moscou

Résumé

L’enjeu implicite de l’émigration artistique russe en France au xxe siècle était d’assurer la pérennité d’une évolution artistique russe intégrée, avant la révolution de 1917, à l’évolution européenne des hommes et des idées.

Entre 1885 et 1991, cinq générations d’artistes russes – peintres et sculpteurs – ont quitté leur pays d’origine et sont venus s’établir en France pour des raisons liées aux conséquences de la grande histoire sur la création russe et en quatre temps distincts : à la fin du xixe siècle, entre 1905 et 1914, après la révolution de 1917, puis au début des années 1970.

Parmi ces créateurs apparaissent, entre autres, quelques grands noms de l’histoire de l’art moderne et contemporain : Marie Vassiliev, Chaïm Soutine, Pinchus Krémègne, Michel Kikoïne, Serge Charchoune, Mihaïl Larionov et Natalia Gontcharova, Alexandre Iacovleff, Léon Zack, Ivan Pougny, Alexandra Exter, Vassily Kandinsky, Nicolas de Staël, Oscar Rabine, Valentina Kropivnitskaya, Erik Boulatov, Vladimir Yankilevsky.

Recomposer l’histoire des artistes russes émigrés sur le territoire français, comprendre le déroulement de leurs carrières dans notre pays, interroger leurs créations en tenant compte de leurs origines et déceler dans les oeuvres autant de concessions de styles faites à l’Occident que les signes forts d’une résistance culturelle, a été l’objectif de cette thèse.

Elle propose en première annexe l’inventaire de la collection nationale française d’art russe composée tout au long du xxe siècle par des agents de l’Etat dévoués au patrimoine. Cet inventaire présente les acquisitions faites aux artistes russes de France, de leur vivant. Elle a été recomposée à partir des dossiers d’achats de l’Etat conservés Archives Nationales.

Cette collection de plus d’un millier d’oeuvres fut initiée par Léonce Bénédite pour le Musée du Luxembourg à l’occasion de l’exposition universelle de 1900, complétée par André Dézarrois pour le Musée des Ecoles Etrangères Contemporaines du Jeu de Paume (1922-1940). Un échantillon de cette collection était donc présenté au public en permanence jusqu’à l’exécution du plan d’évacuation des œuvres en 1939 et la réquisition du lieu, par les nazis, en 1940. Après 1945, elle fut dispersée dans les réserves des musées nationaux et de provinces.

Pendant les soixante-dix années de régime soviétique en Russie, les relations diplomatiques franco-soviétiques ont “interdit” la présentation temporaire, dans les institutions d’état, des oeuvres de ces artistes, majoritairement considérés – statutairement – comme des “apatrides”. Les artistes russes exposés au musée du Jeu de Paume étaient les émigrés, les cartels des oeuvres avançaient la mention “ex-russe” et leurs parcours trahissaient une réalité sociale soviétique qui resta longtemps, en France, l’objet d’une controverse.

Pris dans la tourmente de l’Histoire, ce sont les réseaux privés des galeries parisiennes qui ont participé à accroître leur visibilité. La critique française a, de son côté, trop souvent, négligé les oeuvres et la création mêmes, notamment dans l’entre-deux-guerres, au profit du cadre “historico-lyrique” de l’émigré. Ils furent bien souvent et malgré eux victimes d’amalgames et assimilés à des terminologies caricaturales, celle de “pro-soviétique”, ou de “russes blancs”.

Deux historiens de l’art avaient pourtant tenté de comprendre les enjeux purement artistiques de l’émigration russe en France au siècle dernier : Louis Réau (en 1922) et Arsène Alexandre (en 1932). Il était alors trop tôt pour répondre du point de vue de l’histoire de l’art, aux questions qu’inspirait cette présence singulière, active sur le territoire français.

Ces artistes ont permis, au-delà du cadre de la thèse, d’envisager sous un angle différent l’histoire de l’art français moderne et contemporain, en tenant compte de tous les “aspects” artistiques imaginés et prolongés en marge des ruptures qui ont davantage été retenues et massivement relayées.

La thèse apporte également à la Russie d’aujourd’hui un éclairage sur ce qui a été entrepris par ses élites d’hier, hors frontière, en faveur de ses arts et de sa culture. Elle comble ainsi un domaine de connaissance qui avait été livré à de rares amateurs passionnés et contribue à réintégrer ces artistes à l’histoire de l’art et à une Histoire qui fut aussi la nôtre.

5 volumes (1500 p.) : 2 vol. de texte (793 p. 495 ill. coul.), 3 vol. annexes.