André Lanskoy : De Saint-Pétersbourg à « Byzance » – Pour un autre spirituel dans l’art

André Lanskoy :

De Saint-Pétersbourg à « Byzance » – Pour un autre spirituel dans l’art

 Texte original de l’article édité par le MAM de Villeneuve d’Ascq à l’occasion de l’exposition André Lanskoy (2011)

Genèse :

André Lanskoy est né en 1902, à Moscou. Il arrive en France et s’établit à Paris en 1921, passant par Istanbul, comme de nombreux émigrés russes qui empruntent au hasard et dans l’urgence le premier bateau disponible en partance vers la France et le port de Marseille[1] et comme de jeunes artistes russes naissants qui, fuyant la guerre civile, choisiront de se rendre à Berlin avant de rejoindre la capitale française[2]. Lanskoy qui s’est confié sur ce choix, affirmait que même s’il n’y avait pas eu la Révolution dans son pays, il serait venu vivre à Paris. Paris, la capitale des arts remportait alors tous les suffrages dans le cœur des peintres et sculpteurs russes du début du xxe siècle.

Entre 1908, date de l’installation familiale à Saint-Pétersbourg où vivait l’aristocratie russe de l’époque, et 1918, date de la fuite des Lanskoy vers l’Ukraine, le futur peintre grandira comme Nicolas de Staël (1914-1955) quelques années plus tard, promis à un bel avenir. Il fréquente dès son arrivée dans la capitale impériale l’école du Corps des Pages du Tsar Nicolas II, où il ne reste cependant qu’une année[3], puis poursuit sa scolarité dans un lycée privé de la ville tout en s’orientant vers l’art et la création, plus précisément la peinture qui l’attire et retient toute son attention.

Saint-Pétersbourg, à cette époque, est enfin devenue une capitale culturelle et artistique européenne rayonnante. 1908 est l’année de la première présentation de l’opéra Boris Godounov à Paris, 1909 celle de l’inauguration des célèbres Ballets Russes orchestrés par Serge de Diaghilev (1872-1929) et les non moins célèbres peintres du Monde de l’art[4]. À l’aube de la révolution d’Octobre 1917 et de la Première Guerre Mondiale, la cité impériale est une ville qui connaît un développement culturel remarquable, placée sous l’égide du Monde de l’art  et dans le sillage de la politique d’encouragement des arts, amorcée à la fin du xixe siècle[5].  C’est là qu’ont lieu deux expositions comptant parmi les plus importantes du début du xxe siècle : Tramway V et 0,10 qui scellent et valident la naissance du suprématisme. André Lanskoy est alors adolescent. Comme le note Jean-Claude Marcadé qui a déjà restitué le contexte de cette jeunesse pétersbourgeoise, les expositions « Tramway V » et « 0 ,10 »[6] n’ont peut-être pas été visitées par André Lanskoy qui fréquente toutefois deux cabarets dits « d’avant-garde » où se réunissait la fine fleur de la modernité artistique russe : « Le Chien errant » et « La Halte des comédiens ». Ces deux cabarets reçoivent les décorations murales de Serguei Soudéïkine (1882-1946) qui séduisent le futur peintre alors âgé d’une petite quinzaine d’années. Il en parlera longtemps et c’est dans l’atelier de cet artiste du Monde de l’art, qu’il complètera sa formation, dès son arrivée à Paris en 1921[7]. Soudéïkine ayant réalisé ces décorations entre 1912 et 1915[8], puis en 1916[9], Lanskoy aura sans doute eu le privilège de voir l’œuvre en cours de composition. Cette attention et affection particulière annonce peut-être déjà l’orientation de l’œuvre de Lanskoy telle qu’elle s’épanouira en France dans le cadre de sa vie parisienne, dans l’entre-deux-guerres, et après la Seconde Guerre Mondiale.

Le peintre va traverser des décennies aussi culturellement marquées qu’ historiquement mouvementées dans lesquelles il s’inscrit parfaitement. La figuration et les prémices de l’ « abstraction » à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale et l’épanouissement de sa peinture, engagée dans la non-figuration après 1945, en font un artiste évoluant au rythme des développements que connaît la peinture française moderne et contemporaine. Mais Lanskoy participe aussi à l’histoire. Ses choix, ses déplacements, son origine et sa culture russe en font un témoin, voire le dépositaire malgré-lui d’une série de désastres qui ont meurtri l’Europe au cours de ce siècle « sanglant ». À partir du moment où la guerre éclate, la grande histoire influence considérablement le destin de millions d’hommes. Peu touché par la Première Guerre, c’est la révolution russe qui frappe la famille Lanskoy, rattrapée par ses origines aristocratiques, contrainte de fuir Petrograd en 1918. Second parallèle avec Nicolas de Staël qui, âgé de 4 ans, fuira la capitale russe avec sa famille, un an plus tard. Mais les Lanskoy s’établissent à Kiev tandis que les Staël fuiront par le Nord de l’Europe, traversant la Pologne où un autre destin les attend.

Lanskoy a 17 ans en 1919, date à laquelle il se vieillit de deux ans, selon Catherine Zoubtchenko[10], pour entrer dans l’armée blanche. Il fut probablement le seul artiste russe engagé aux côtés des défenseurs du Tsar et de sa dynastie, qui avait pourtant été assassiné à Ekaterinbourg, l’année précédente en juillet 1918. En 1920, au terme de la guerre civile, Lanskoy arrive à Constantinople qu’il quitte pour se rendre à Berlin avant d’arriver à Paris. Ce parcours difficile, peu décrit par les artistes, fut aussi celui de Léon Zack (1892-1980) et Serge Poliakoff (1900-1969)[11] notamment, deux futurs peintres russes émigrés qui se distingueront également au sein de la peinture non-figurative après 1945 à Paris[12].

1921 : Lanskoy s’est aussi orienté vers la peinture. Un passage à l’atelier d’Alexandra Exter (1882-1949) à Kiev semble être le moment de ses premières compositions picturales. La couleur et la gouache (une valeur et un matériau qui ne le quitteront pas) sont les données rapportées par les biographes de l’artiste alors pleinement tourné vers la figuration. C’est donc véritablement en France et à Paris, que commence la vie d’un peintre continuellement reconnu par la critique au cours de chaque décennie qu’il traverse et par le marché de l’art, un réseau de galeries puis de collectionneurs qui soutiendront sa peinture dès ses premières expositions parisiennes. La liste des critiques d’art, spécialisés ou non, de professionnels (inspecteurs des Beaux-Arts puis de la création, conservateurs, historiens) est longue : tous le citent dans des ouvrages généraux ou lui prêtent leurs plumes : Jean Cassou et Bernard Dorival (conservateurs du Musée National d’Art Moderne inauguré en 1947) le citeront dans les études et panorama de l’art moderne qu’ils inventeront, Maurice Allemand, Marcel Brion, Pierre Cabanne, Bernard Ceysson, Pierre Courthion, R. V. Gindertael, Waldemar George, Jean Grenier, Wilhem Uhde, Jean Pierre Jouffroy, Pierre Restany, Ivon Taillandier, Dora Vallier, enfin, les russologues et russophiles : Serge Romoff[13], Valentine Marcadé tout d’abord qui inaugure l’étude en France de l’avant-garde Russe, suivie quelques années plus tard par Jean-Claude Marcadé, spécialiste de Malevitch et du suprématisme puis de l’avant-garde. Mais étrangement, et en dépit d’un apport probablement sous-estimé, le peintre ne retiendra jamais vraiment – et de façon significative – l’attention des institutions muséales parisiennes internationalement rayonnantes, bien qu’elles en conservent les œuvres acquises directement à l’artiste après 1945. Décédé en 1976, Lanskoy aura pourtant vécu en France plus de 50 ans.

Plusieurs phénomènes expliquent cette position particulière qu’occupe André Lanskoy dans le paysage de l’art français au xxe siècle, un peintre tout aussi présent et incontournable qu’absent. Maurice Allemand écrivait de lui en 1968 : « La peinture d’André Lanskoy, venu de Russie à Paris en 1921, est bien connue des amateurs d’art et il compte, depuis plus de vingt ans, parmi les étoiles de l’ “école de Paris”. Étoile fort indépendante, d’ailleurs, et qu’il est assez malaisé de rattacher avec certitude à telle ou telle constellation[14]. »

Un peintre indépendant des « ismes » qui constituent l’histoire des arts modernes et contemporains est en effet toujours difficile à appréhender. À titre d’exemple, Dora Vallier  citera Lanskoy de la sorte dans son ouvrage de référence sur l’art abstrait : « Après une longue carrière de peintre figuratif, Lanskoy conçoit des compositions abstraites pleines de fougues – fougue qui se manifeste, d’une part dans la vivacité des couleurs, et de l’autre, dans la précipitation des formes. Mais si la composition chez Lanskoy prend l’allure d’une ruée, ce n’est qu’un reflet de son tempérament et nullement un recours conscient à la valeur “temps”[15]» Il semble toujours à lecture de ce qui fut écrit sur lui, que l’on n’ait jamais réellement su comment appréhender et valoriser son œuvre et son apport à la peinture française du xxe siècle.  Si Lanskoy ne fut pas un précurseur ou un rénovateur accompli, auteur d’une rupture aussi marquante que brutale, il n’en fut pas moins un des acteurs essentiels de l’abstraction parisienne, mouvement qu’il contribue à développer et à affirmer, à imposer au terme de la Seconde Guerre Mondiale. Les conceptions personnelles qu’il développe dans la peinture en font l’indispensable trait d’union entre Vassili Kandinsky et Nicolas de Staël ou Serge Poliakoff et leurs suites.

Trois années après son arrivée à Paris, Lanskoy commence à exposer auprès de ses compatriotes russes sans pour autant contribuer à être l’objet d’une appréhension strictement identitaire. Et, s’il est pleinement parisien, il restera un peintre russe, dépositaire d’une culture originelle qui ne sera jamais aussi vivante que dans les milieux intellectuels de l’émigration auxquels il appartient pour les avoir fréquenté tout au long de sa vie. En 1956, dans un article intitulé « Lanskoy », publié dans la revue L’œil, Jean Grenier dira : « Lanskoy n’a jamais, au fond, quitté son pays[16]. »

Devenir peintre dans le Paris Russe de l’exil et de l’émigration : 

1924 : André Lanskoy expose à la galerie Carmine aux côtés de Victor Barthe (1887-1954) et de Constantin Terechkovitch (1902-1978), deux peintres russes, émigrés tout comme lui dans la capitale française[17].

Jusqu’en 1960, date de l’exposition « Peintres russes de l’école de Paris » au Musée de Saint-Denis[18] et 1961, date de l’exposition « Les peintres russes de l’Ecole de Paris[19] » à la Maison de la Pensée Française, où figure André Lanskoy, les expositions collectives d’« artistes russes de France » permettront très généralement de rejoindre – en analysant la nature des regroupements – des réflexions sur le prolongement de distinctions sociales persistantes dans le contexte de l’exil et de l’émigration, valables chez les artistes bien qu’ils ne se soient jamais clairement exprimés sur ce point[20].

La plupart des peintres russes de l’époque se connaissent ou se rencontrent, se découvrent. Certains groupes déjà formés en Russie perdurent, en France, après l’émigration[21]. Mais les nouveaux arrivants (du début des années 1920) ne rejoignent tout d’abord pas les groupes d’artistes russes préexistants, notamment ceux qui avaient peuplé Montparnasse dans les années 1910, encore à distinguer des artistes d’une avant-garde en marche. Ceci correspond à la décennie des années 1920 où l’on note, chez l’ensemble de la diaspora, une conscience de l’exil. Il apparaît très clairement dans les récits littéraires, critiques, journalistiques, autobiographiques de l’époque, et à travers l’attitude même d’ « implantation » des émigrés, au cours de cette décennie, l’espoir de voir renverser le nouveau pouvoir soviétique, place chaque individu de la diaspora dans celui de repartir vers la terre nourricière. Espoir qui s’effondre au début des années 1930 où à la conscience de l’exil succède celle de l’émigration. Dans les années 1930, la communauté s’installe plus durablement et remplace, par exemple, ses « églises » improvisées dans des appartements ou logements de fortune, par de véritables constructions durables. Les artistes ne sont pas exempts d’un tel « comportement ». Les « montparnos » russes exposent ensemble et distinctement des émigrés de la révolution majoritairement regroupés autour du Monde de l’art, cela jusqu’en 1931[22], date à laquelle les cohérences d’autrefois en termes de regroupements semblent s’effondrer, sans pour autant proposer un nouveau mot d’ordre ou une cohérence esthétiquement définie. Et à l’aube des années 1930, la plupart des artistes russes de France exposent ensemble, de manière inédite, sous cette dénomination et parce qu’ils sont d’origine russe. À ce moment-là, les textes critiques[23] qui accompagnent les publications posent différemment le problème russe et précisent les contours d’un art russe hors frontière qui voit, en France, une possibilité d’épanouissement et de développement imprévu. Les catégories préexistantes s’effondrent pour permettre à ce que l’on nommera plus tard « l’art de l’émigration russe en France » de « naître ». Lanskoy participe à certaines de ces expositions.

Sur ce point, le peintre fait pourtant, une fois encore, s’effondrer toutes les règles. On pourrait s’attendre à retrouver le « comte de Petrograd » auprès des artistes pétersbourgeois d’hier, loin des problématiques modernistes soulevées par ses prédécesseurs sur le territoire français, formés à la Ruche et à Montparnasse. Il est, en réalité, absent des expositions collectives majeures des années 1920, si l’on excepte sa participation en 1923 à l’exposition Artistes russes, qui se tient du 2 au 15 Février à la Galerie la Licorne à Paris. L’exposition annoncée dans la revue Oudar[24], animée par Ilia Zdanievitch (dit Iliazd, 1894-1975) indique la présence de Lanskoy aux côtés de Victor Barthe, I. Iasoutinskaya, Isaac Pailes, Constantin Terechkovitch, Chaïm Soutine, Lazare Volovick, Ilia Zdanevitch. On le retrouve ensuite auprès de ses compatriotes au début des années 1930 : Il participe ainsi à l’Exposition d’un groupe russe, qui se tient du 3 au 6 Janvier 1930 à la Galerie Zak, à Paris[25], à l’Exposition d’Art russe de la Galerie d’Alignan, Paris, puis à celle tout aussi importante de la galerie La renaissance en 1932[26], où Lanskoy est à nouveau mentionné en tant que « Comte André Lanskoy ». Son absence des grandes collectives des années 1920, sa présence aux trois expositions importantes du début des années 1930 et à l’exposition de 1923, indique que Lanskoy ne se solidarise pas avec les « collectifs » d’artistes russes qui s’organisent et imaginent le prolongement et la survie du Monde de l’art en exil et réunit de nombreux émigrés. Le groupe Tcherez était d’ailleurs un groupe d’artistes non passéistes, préoccupés par les originalités du moment et soucieux de faire valoir les qualités esthétiques des peintres, bien plus que leur origine et la situation inédite à laquelle ils étaient confrontés en regard de la grande histoire. Aristocrate hier, Lanskoy se positionne désormais en tant que peintre. S’il est russe, il ne revendique pas son origine par la peinture ou dans le cadre de sa carrière, naissante.

Jean Claude Marcadé fait d’ailleurs référence à la présence du titre de noblesse dans les catalogues d’expositions russes auxquelles participe Lanskoy. Il précise que : « L’artiste n’a jamais fait étalage de ses origines même si dans plusieurs catalogues des années 1930, il figure comme « comte André Lanskoy ». Il a vite abandonné cette façon de s’appeler et pouvait même s’indigner quand on mentionnait son titre comtal[27] », faisant ainsi référence à une lettre reçue de Lanskoy tardivement. Ce titre de noblesse est, toutefois, assez naturellement versé aux « catalogues » français, pendant une dizaine d’années.

La culture originelle est puissante. Elle enracine inexorablement les peintres et les sculpteurs russes de Paris. L’origine est régulièrement exprimée par les artistes entre eux, sujet de discussions, de souvenirs. L’identité, la langue, est ce qu’ils ont de commun, affirmation d’une mémoire collective qui sommeille à peine, mais est plus aisément abordée à la terrasse des cafés, que sur le champ pictural et en termes d’iconographie, si l’on excepte les artistes de la génération précédente. Lanskoy est russe et le restera, intimement. Laurent Greilsamer rappelle ainsi, dans son ouvrage autobiographique sur Nicolas de Staël, un dialogue entre  Lanskoy, Staël et Dina Vierny : « Les exilés se flairent entre eux […] Ensemble ils trinquent, boivent, parlent russe, ce russe ancien régime, si agréable et contourné. La conversation attire André Lanskoy, peintre de son état, grand exilé devant l’Eternel, qui se joint à eux, verre de vodka à la main. Lanskoy et Vierny se liguent alors gentiment contre Staël pour lui faire admettre qu’il n’est pas russe : « Mais non, Kolia, pas toi ! Toi, tu es balte, un baron balte. Balte, ce n’est pas russe ![28] ». Lanskoy rencontre Nicolas de Staël pendant la Seconde Guerre, en réalité sous l’Occupation, en 1944/45. La Russie s’installe dans le dialogue qu’ils engagent pour de nombreuses années : « Ils n’arrêtaient plus d’en parler, de se rendre visite et d’évoquer la Russie, cette immense Russie perdue avec ses pleines et ses forêts sans fin […] Lanskoy lui raconte Petersbourg, Moscou et Kiev. De douze ans son aîné, il lui redonne de la mémoire […] ». La même source affirme que Lanskoy dira à Staël : « Tu vois, toi et moi, nous sommes frères. Nous avons apporté avec nous la Russie du sang barbare[29]. À nous de le mettre sur la toile ! » Enfin, lorsque Kandinsky s’éteint, le 13 décembre 1944 à Paris, Lanskoy et Staël portent le cercueil de celui qui devait rester un maître de l’art moderne, à la sortie de la cathédrale Saint Alexandre Nevski de la rue Daru et tous deux sont allongés face contre terre, pendant la cérémonie[30]. Mais dans l’atelier et sur le champ pictural, Lanskoy est tout aussi russe que parisien. En réalité, il est tout simplement peintre.

Un peintre parisien :

Lanskoy rejoint en 1925, parallèlement à une participation évidente aux activités de la « communauté » artistique russe de Paris, la galerie Bing alors située rue de la Boétie qui le présente la même année avec Marcel Gromaire (1892-1971) et Jacinto Salvado (1892-1983) qui avait été portraituré en Arlequin par Picasso, en 1923. Lanskoy rejoint ainsi, relativement tôt, le monde de l’art et de la peinture parisienne. Il expose au salon d’Automne jusqu’en 1930 et au Salon des Tuileries à partir de 1935. Il rencontre le collectionneur Roger Dutilleul (1873-1956), rencontre décisive qui scelle le destin de sa peinture essentiellement reconnue par des amateurs. Les expositions personnelles, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale seront cependant rares : 1929 à la galerie des Quatre-Chemins, 1936 à la galerie Castelluche, 1942 à la galerie Berri-Raspail, enfin, en 1944 à la galerie Jeanne Bucher. Soit quatre exposition personnelles en quinze ans.

À cette époque, qui suit l’enseignement reçu à la Grande Chaumière, Van Gogh et Soutine suscitent son admiration, soulignent Pascaline Dron et Angelo Pittiglio[31]. Il vit à Montparnasse et s’inscrit dans le prolongement d’une peinture figurative héritée de Pierre Bonnard (1867-1947) qui a assimilé les apports du post-impressionnisme et de la modernité en termes de composition. Les peintres portraiturent, imaginent du paysage, des scènes de genres et de la nature morte, prétextes picturaux petits à petits abandonnés pour certains.  Lanskoy est parisien, mais surtout : contemporain. Il nous livre des scènes d’intérieurs colorées, presque naïves tant les motifs sont peints plutôt que dessinés et reproduits avec de la couleur. La matière fera souvent disparaître les détails pour signifier une atmosphère, magnifiant par la couleur et la lumière la le caractère intime des « banalités » saisies. Ses bouquets et intérieurs trahissent une vision poétique magnifiée par la grâce de la peinture qui est déjà le sujet de Lanskoy. Les années 1920/30 sont donc marquées par la figuration. Une figuration qui se transforme pas à pas vers la synthèse des principes chers à ce qui distingue l’art figuratif du réalisme. Son parcours et les réflexions qu’il développe à cette époque sont partagés par quelques-uns de ses « compatriotes d’infortune » : Léon Zack et Philippe Hosiasson (1898-1978). Mais Lanskoy expose « autant » avec les Russes qu’avec les artistes Français pourvu qu’il s’agisse de valoriser des valeurs artistiques qui coïncident avec les siennes. Il participe à de nombreuses expositions collectives qui ne distinguent pas les nationalités et se préoccupent d’art vivant, de peinture et de sculpture contemporaine[32]. C’est ainsi qu’après la Seconde Guerre, il participe au Salon de Mai, considéré comme représentatif de la création la plus avancée du moment puis celui des Réalités Nouvelles, enfin à l’Exposition d’art abstrait, peintures, sculptures, dessins, aquarelles  qui se tient du 11 au 31 octobre 1944, aux galeries Berri-Raspail, événement manifeste de la libération[33].

S’il a étudié d’après nature, et si le rapport à la nature peut être révélé, Lanskoy pense déjà la peinture, il vivra et pensera peinture jusqu’à la fin de sa vie. Sa figuration, portraits, paysages et natures mortes de l’époque attestent dès les débuts qu’il réinvente la nature et compose picturalement les motifs abordés. Il écrit à Roger Dutilleul le 12 mars 1929 : « Il me semblait un peu que ici comme les objets sont colorés autrement il fallait peindre avec autre couleur qu’ailleurs ou peut-être je ne me suis pas tout de suite retrouvé dans ce pays trop riche des bleus. […] Jusqu’à maintenant j’ai peint ici : un paysage avec les arbres vert veronaise (sans feuilles) / nature morte avec fleurs et fruits / paysage avec des bateaux en bas et mont Chevalier en haut / intérieur jaune claire avec des personnages claires / nature morte avec des violettes qui ressemble a un théâtre (le bouquet comme une danseuse les fleurs du mur (papier peint) comme des personnages dans une loge une étoffe jaune comme un rideau et un paysage que je n’ai pas terminé[34]. »

La couleur joue un rôle déterminant. Ce n’est, pourtant, qu’un peu plus tard et précisément lorsqu’il travaillera sur « fond noir », que Lanskoy semble développer un sens russe de la couleur, celui qui constitue l’héritage de l’art et de la culture artistique russe populaire et religieuse. Les contrastes des grandes compositions courbes figuratives des années 1938-1940, de toute la palette franche et vive qu’il utilise et qu’il met en relation avec un noir qui encre la lumière à l’intérieur même du tableau. La palette de Lanskoy rappelle, à ce moment-là, la profondeur des contrastes colorés chers à la Russie et à ses traditions séculaires, inscrites dans les arts populaires ou religieux, qui connaissent par ailleurs, dans le cadre de l’émigration, un renouveau inespéré. Une telle utilisation de la couleur trahit la quête la plus savoureuse que connaît l’art de la peinture : la lumière. À partir de cette date, Lanskoy ne cessera plus de mettre son unique sujet – la peinture – en lumière, revenant à un « bidimensionnalité » que Jean-Claude Marcadé souligne et met en relation avec la modernité russe et l’art de l’icône[35]. La distribution de la lumière, que le papier soit blanc et qu’il faille creuser les ombres, ou sombre et qu’il faille extraire la lumière, il maîtrisera ces procédés jusqu’au bout et jusqu’à l’art de la mosaïque qu’il pratiquera pour les mosaïques de Ravenne commencée en 1973, trois ans avant de disparaître.

C’est entre 1938 et 1940 que la peinture d’André Lanskoy se transforme –dix ans après les premiers regards sur les œuvres de Kandinsky et de Paul Klee (1879-1940) – prend corps tout en se déchargeant pas à pas ses référents figuratifs, anecdotiques, et entre 1940 et 1944, qu’il bascule définitivement vers l’abstraction, au moment même où le Paris occupé par les nazis pille les collections juives et brûlent des œuvres de la collection du musée du Jeu de Paume considérées comme « dégénérées » dans la cour du Musée du Jeu de Paume[36].  La genèse de l’abstraction est présentée à la galerie Jeanne Bucher en 1944[37]. C’est à ce moment-là et en regard de l’œuvre que Nicolas de Staël formulera le vœu de rencontrer Lanskoy qui se confiera plus tard sur le jeune peintre avec qui il s’entretint sur la peinture jusqu’à la mort de ce dernier[38].

Eclot ainsi progressivement le talent pictural d’André Lanskoy, un peintre qui, toute sa vie, placera la peinture au-dessus de tous les beaux et grands discours, au-delà de tous les bavardages, discours critique et débats. R. V. Gindertael insistera sur l’« absolument peintre » que fut Lanskoy et dont il cerne parfaitement la démarche dans un article intitulé « Œuvre Unique », daté de 1959 : « Pour amener l’acte de peindre à sa dignité suprême, il fit incessamment de celui-ci un acte de conscience, triomphant de toutes les épreuves nécessaires à la sublimation de son tempérament de peintre, le développant, l’exaltant avec la plus grande constance et sans la moindre complaisance sinon celle d’assurer sa parfaite continuité[39]. »

La peinture le préoccupe, il s’interroge, affirme, doute, conseille, se parle peut-être à lui-même, et finit par s’épanouir en abandonnant sujets et motif, dans l’absence de figuration. La peinture est une épreuve, parfois même un combat mais patiemment et rigoureusement mené. Flamboyante, parfois embrasée lorsqu’il travaille sur fond rouge, irradiante sur fond jaune. Maîtrisée tout en étant jubilatoire jusqu’à la fin, la peinture ne sera qu’une succession de célébrations colorées. Elle est aussi une épreuve de chaque instant : « Je suis pénétré de part en part par ce que j’aime profondément, enivré par ce sentiment violent[40] » et « la main obéissante traversera le champ blanc du papier et tracera les premières conditions de la lutte[41]. » La façon dont Lanskoy parle d’art et de peinture, de création, possède un écho : les lettres et écrits de Nicolas de Staël qui fut sans aucun doute le plus digne héritier de son aîné. Mais si Lanskoy affirme dans le verbe et trace ses idées comme la ligne sur la toile, Staël interroge avance pas à pas, questionne centimètres par centimètres. « Trop géométrique, trop sec pour moi[42] » : Lorsque Lanskoy parle ainsi à Nicolas de Staël, il affirme par la négation ce qu’il affectionne en peinture. Plus proche de Kandinsky que de Klee qui avait magnifié la présence et souligné l’importance du signe en peinture.

« Je me demande si on a vraiment raison de poser le problème figuratif-abstrait sous un aspect de conflit. La peinture a toujours été abstraite, mais on ne s’en aperçoit pas ; il n’y a donc pas à proprement parler de rupture. Le temps fera son œuvre et quand on ne cherchera dans un tableau que des pommes, des arbres ou des jeunes filles, le mot abstrait disparaîtra. Quand on prend de la couleur sur la palette, elle n’est pas plus figurative si elle est destinée à représenter une fleur, ou plus abstraite si elle doit donner naissance à une forme imaginaire[43] »

Le débat figuration-abstraction anime les peintres parisiens depuis le début des années 1930 si l’on tient compte de la revue Abstraction, création, art non-figuratif et divise les esprits, même après la Seconde Guerre. Lanskoy y répond de cette façon et par sa peinture. Il sera toutefois entendu comme un peintre abstrait, voire comme un des représentants majeurs de l’abstraction lyrique. Maurice Allemand notera pourtant en 1968, dans la préface précitée, que le peintre se distingue des courants établis au sein même de l’abstraction. Il n’adhère pas selon lui à l’expressionnisme, au lyrisme défini par la peinture américaine tout en ne cédant pas plus au formalisme pur.

Lanskoy inscrit la rigueur de la ligne qu’il associe à la rondeur de la touche isolée et fragmentée par le trait, sans toutefois cerner pleinement et objectivement les espaces colorés qui se distinguent ainsi les uns des autres. Il utilise deux procédés qui renvoient à l’abstraction lyrique : l’empattement de la matière et l’ascension de chaque composition. Mais la comparaison s’arrête là. 

Lanskoy est laborieux, il travaille lentement, avec une formidable constance. La lenteur avec laquelle il répond à l’impériosité de la peinture et celle de celui qui est en quête de justesse de ton. Il dira lui-même, « Il y a un ami en peinture, c’est le temps[44] », rapporte Catherine Zoubtchenko. La notion de temps et de lenteur fut ainsi évoquée à deux reprises. Catherine Zoubtchenko évoque encore cette « lenteur », pour les illustrations du Journal d’un fou de Nicolas Gogol : « travailleés pendant de nombreuses années[45] ». En marge de la peinture, il exécute quelques détours, réalise des cartons de tapisseries, de la céramique et de la mosaïque. Il illustrera des ouvrages, la Genèse[46]Le Journal d’un Fou de Nicolas Gogol pour lequel il gouache des centaines de feuilles de papier qui seront exposées au musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne, en 1968[47]. Au catalogue, figurent 169 œuvres[48] où il inscrit parfois en lettres de papiers découpés et gouachés, collés sur des feuilles de papiers à dessin gouachées également, des extraits du célèbre Journal comme « Sur un trône, il faut un roi ». Enfin en 1959, commence une collaboration avec Pierre Lecuire (poète, éditeur français, né en 1922). Il réalise les gravures et collages pour deux livres écrits par Lecuire : Dédale[49] et Cortège[50]. Dans Cortège, Pierre Lecuire imprime : « Ce livre est un cortège. Il en a les couleurs, l’action, l’animation. Il flamboie, il clame on ne sait quelle passion, quelle justice ; il s’écoule comme le cours d’une navigation. » Pierre Lecuire, qui écrira un peu plus tard, dans le cadre d’une exposition le consacrant à New York en 1994 : « Le poème est le miroir magique où la lumière est interceptée, reflétée, happée par le mot et sa puissante force d’absorption. C’est dans cette alchimie de l’invisible que se forme peu à peu la vie du poème, par lente diffusion ou violente irruption de la lumière[51] ». N’en est-il pas de même de l’œuvre de Lanskoy ? Ne recèle-t-elle pas le même flamboiement ? Les couleurs, l’animation, le même élan que celui qui inspire le poète ? N’est-elle pas encore ce « Miroir magique où la lumière est interceptée » ? Par « lente diffusion, violente irruption » ? De quelle passion parle toutefois la peinture de Lanskoy ? De quelle justice est-il question ?

 

La reconnaissance muséale : 

Lanskoy est, sur ce point, le grand absent et le Paris de notre époque à tendance à l’oublier. Dans les années 1930, Roger Dutilleul mettra l’artiste en contact avec André Farcy, alors conservateur du Musée d’Art moderne de Grenoble, premier musée d’Art moderne en France, concurrençant souvent le musée parisien des artistes vivants, Palais du Luxembourg, prolongé entre 1926 et 1932, par le musée des écoles étrangères contemporaines du Jeu de Paume, où Lanskoy ne figurera pas. Le peintre n’intégrera, par ailleurs, la collection du Musée de Grenoble que tardivement, en 1966. R. V. Gindertael rappelait en 1959 que : « Tout au long de sa carrière, et dès ses premières manifestations publiques, n’est-ce pas l’évidence de son unicité qui a valu  à Lanskoy l’adhésion des marchands et des amateurs solidaires de la grande aventure picturale de notre temps : Zborowski dès 1923, presque aussitôt Berger et Daber, Wilhem Uhde, Fénéon, ensuite Bing, Roger Dutilleul, Grégory, Jean Masurel, Jacques Dubourg, Jeanne Bucher… […] Louis Carré […][52][53] » Il n’est alors question que des amateurs-collectionneurs et galeristes. Lanskoy sera, toutefois, acquis à plusieurs reprises par l’Etat français après la guerre, sans que cela donne lieu à une exposition personnelle des œuvres de l’artiste.

Le premier achat a lieu en juin 1949. Le peintre est domicilié au 78 rue Mozart à Paris. C’est Madame Lamy[54], inspectrice de la création artistique qui adresse au bureau des travaux d’art, une note datée du 24 mars 1949 : « Sur la demande de Monsieur Cassou, qui ne possède aucune œuvre de cet artiste, j’ai rendu visite à Monsieur Lanskoy. À la suite de cette visite, je propose une toile de 120, qui représente une composition abstraite, dans la dernière manière du peintre », puis indiquant le prix de l’œuvre, elle précise : « ce qui, vu l’importance de l’œuvre et la lenteur avec laquelle l’artiste produit, ne me paraît pas exagéré. J’ajoute qu’il est dans une situation difficile, et qu’il faudrait agir de toute urgence pour essayer de lui venir en aide[55]. » L’œuvre intitulée Multitude[56] est aujourd’hui conservée au Centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne.

L’achat sans passion, ni conviction[57], de « soutien » était régulier. Ce ne fut pas le cas pour Kandinsky souhaité dès 1937 par André Dézarrois, conservateur du Musée des Ecoles Etrangères Contemporaine du Jeu de Paume. Ce fut en revanche le cas pour Nicolas de Staël, la même année que Lanskoy. Le second achat du vivant du peintre et d’un carton de tapisserie, eut lieu en 1954, soit cinq ans plus tard. C’est, cette fois Raymond Cogniat, également inspecteur, qui entre en scène et rédige la note interne datée du 18 février 1954 : « M. Lanskoy vient de faire exécuter chez Picot à Aubusson une fort bonne tapisserie d’environ 6m2. Cette tapisserie pourrait donc être acquise immédiatement en payant à l’artiste le carton qu’il est prêt à vous donner pour 20 000 frs le m2 et en réglant directement le tissage au fabriquant à Aubusson. M. Dorival est d’accord pour cette acquisition et demande qu’elle soit affectée au Musée d’Art Moderne.[58] » Lanskoy commence à réaliser des cartons de tapisseries en 1950, carton de grand format le plus souvent réalisés à la gouache. Le 17 novembre de la même année, Raymond Cogniat précise que Lanskoy a manifesté son étonnement en regard du fait que cette œuvre se situait toujours à l’école d’Art d’Aubusson, « destinée à être tissée par les élèves ». L’œuvre n’a toujours pas rejoint le Musée National d’Art Moderne. Deux ans plus tard, en 1956, un dessin intitulé Grand dessin camaïeu noir et blanc[59] est acheté à la galerie Palmes dans le cadre d’une exposition particulière des dessins de l’artiste. À cette occasion Madame Lamy indique dans la note du 3 juillet 1956 : « Je vous propose l’achat de l’un d’eux, le plus important. C’est un très grand camaïeu en noir et blanc qui par son faire et sa qualité s’apparente davantage à une peinture qu’à un dessin. Je pense que le Musée d’Art Moderne serait content de l’avoir […] Je vous signale que, outre sa grandeur, cette pièce est fort bien encadré.[60] ». En 1957, la peinture Composition[61], noire, blanche harmonisée de gris, aujourd’hui conservée au Centre Pompidou et inventoriée sous ce titre, entre dans la collection du Musée National d’Art Moderne. C’est la troisième acquisition de l’Etat à l’artiste de son vivant. La photographie qui est conservée aux Archives Nationales avance le titre Consolation pour les personnes pâles. Six ans plus tard, en 1963, trois œuvres sont simultanément achetées, un dessin[62] et une peinture, Signe de vie[63], puis un carton de tapisserie[64]. En 1966, enfin, deux œuvres complétaient la collection nationale, une gouache sur papier : Verre cassé et une huile sur toile : Une autre source[65].

La ville de Paris acquiert une toile du vivant de l’artiste, en 1964, aujourd’hui conservée au MAMVP, Théologie et urbanisme[66]. Les deux œuvres qui complètent la présence de Lanskoy au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris entrèrent par dons d’Henri Thomas en 1976, année du décès de l’artiste. Si la fortune critique de Lanskoy et la liste des expositions personnelles s’est considérablement multipliée au cours des vingt dernières de sa vie, et même après son décès, les institutions vouées à l’art moderne et contemporain de la capitale française ne l’ont pas encore célébré, si l’on excepte l’exposition avec Geer Van Velde au Musée Galliera en 1966[67]. Ce sont les musées de provinces qui de Saint Etienne en 1968 à Colmar en 2006 et Villeneuve d’Ascq en 2011 lui ont rendu hommage.

Vers Byzance : Un autre spirituel dans l’art

Jean Bouret, dans la préface qu’il rédige pour la plaquette de l’exposition Les artistes russes de l’ Ecole de Paris à laquelle Lanskoy participe, en 1961, aux côtés de Staël, Zack et Poliakoff, inscrit en filigrane une réflexion sur l’abstraction russe et ses différences sensibles avec une conception plus occidentale et cartésienne de la peinture et de l’art de la représentation : « Il est plus intéressant par contre, de discerner chez les artistes russes une psychologie différente de la notre, surtout en ce qui concerne la sensation. La couleur, chez la plupart de ces peintres, est liée davantage au sentiment de l’objet lui-même […] Si l’art abstrait a tant séduit les artistes slaves, c’est qu’il permet de se dégager du carcan de la forme visible […] Chercheurs passionnés, les Russes semblent vouloir tout remettre en question des idées de l’occident […] Ils ont eu ce mérite de ne jamais perdre la poésie nostalgique qui se dégage de leur lointain pays, ce « fumet » d’âme qui les fait reconnaître entre les autres nations et aimer[68]. »

Pour Lanskoy, en matière d’art et de peinture, il est – dans le verbe – question d’amour en tant que moteur de création[69], ayant déclaré qu’il était pénétré de part en part par ce qu’il aimait profondément.

« Chaque Tableau est en soi un monde qui est le reflet de l’univers, réfléchi par l’œil du peintre[70] ». Lanskoy évoque ici la transmission par la peinture, la traduction tout d’abord, des émotions ou transposition poétique et sensible par les moyens de la peinture du rapport entretenu par l’artiste avec le reste monde. De Staël avait pensé qu’il fallait peindre à mille vibration le coup reçu[71] et affirmé, en 1953 : « Toute ma vie, j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, pour me libérer de mes impressions, de toutes les sensations, de toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai trouvé d’autre issue que la peinture[72]. » Il n’est pas improbable qu’une telle conception de la peinture ait été tout d’abord inspirée et exposée à Staël par Lanskoy.

Lorsque Charles Baudelaire recours à la métaphore dans l’Albatros (Les Fleurs du mal, 1859) pour décrire le poète en « vaste oiseau des mers », majestueux dans les cieux, bancal et ridicule lorsqu’il marche en claudiquant parmi les hommes sur le sol du bateau, il transpose sa condition et transfigure son ressenti par l’art de la langue et de la poésie. La Transfiguration, principe biblique livré dans le Nouveau Testament, est l’art de la métaphore. Le corps du Christ se métamorphose en corps de lumière pour donner à voir à quelques élus sa nature profonde et dans ce cas précis divine, pour permettre à ceux qui assistent à la scène d’accéder à la connaissance de sa « sublime vérité ». La transfiguration est l’art de la métamorphose en « beau » dans le sens du « vrai ». Ce principe reproduit à l’échelle humaine d’un peintre qui métamorphose sa vision des choses et des êtres, de l’existence en beau pictural pour signifier leur vérité est inhérent à la démarche picturale d’André Lanskoy.

Lanskoy était chrétien, orthodoxe, pratiquant. Catherine Zoubtchenko se souvient du son de sa voix et évoque à cette occasion le christianisme du peintre : « aux accents graves et chauds, un peu rocailleuse dans les basses, violente avec le roulement des r… lorsqu’il lisait l’épître de St. Paul aux corinthiens pendant la liturgie orthodoxe. André Lanskoy était profondément croyant et pratiquant. J’ai toujours eu le sentiment que Dieu, l’orthodoxie et la peinture formaient un tout dans sa vie de peintre, et qu’il puisait ses forces créatrices dans la prière, tout cela le plus naturellement du monde.[73] »

Jean-Claude Marcadé a souligné l’ascendance de l’art religieux russe des icônes dans la peinture de Lanskoy vers 1938-1940. Lorsque Lanskoy devient pleinement abstrait, ses compositions non-figuratives répètent inlassablement une ascension marquée de la peinture mise en lumière. Il abandonne la ligne d’horizon pour signifier un espace qui n’a plus, de cette manière, de référent terrestre. Il adopte une spatialité qui fut celle des suprématistes et celle, divine, comprise dans l’art de l’icône. Le problème de la représentation de Dieu et des saints, sujet de débats, de divisions et de campagnes iconoclastes, est à nouveau abordé en Russie au xxe siècle par Kasimir Malevitch (1879-1935) qui y répond par le suprématisme en se rapprochant des théories théologiques apophatiques qui « questionnent » le divin par l’absence, la négation ou l’abstraction. Ce n’est pas le cas de Lanskoy qui n’a jamais peint d’icônes, contrairement à Staël par exemple, et qui entretient avec cet art un rapport parfaitement traditionnel, en marge de son travail de peintre. Orthodoxe et croyant, Lanskoy aura sans doute établi une correspondance même inconsciente avec l’acte de peindre. Et cet aspect fondamental de sa personnalité ne peut être ignoré, strictement entendu en marge de la peinture.

André Lanskoy possédait une collection d’icônes, face auxquelles il priait chaque matin.  L’icône, pour le Chrétien d’orient, inverse le rapport entretenu avec la représentation de la vierge, du Christ, des saints, des anges et des archanges. Plus qu’une image souvenir, et un rappel, au-delà de sa fonction cultuelle, elle affirme l’incarnation et un trait d’union, un point de rencontre avec le divin. Ces icônes étaient sans doute appréciées par André Lanskoy pour leurs valeurs esthétiques mais étaient avant tout, pour reprendre la « définition » de Léonide Ouspensky (1902-1987) « une confession de la foi par l’image[74] ». Ivan Kireievski (1806-1856) décrivit l’impact de l’icône sur le croyant de cette façon : « J’étais un jour dans la chapelle Notre-Dame  d’Ibérie et je contemplais l’image miraculeuse de la mère de Dieu. Je songeais à la foi enfantine  du peuple qui priait devant l’icône. Des femmes et des vieillards étaient agenouillés là, se signant et se prosternant. Je contemplais avec foi les traits de la sainte icône et, peu à peu, le mystère de sa force miraculeuse me devenait compréhensible. Non, ce n’est pas  seulement une planche avec une image dessus. Depuis des siècles et des siècles, les émotions et  les prières de tant d’hommes angoissés et malheureux imprègnent l’icône. Elle a dû se remplir de la force qui en émane. Elle est devenue un organisme vivant, un point de rencontre entre le Créateur et les hommes […] Je tombais à genoux et priais avec humilité[75]. »

L’icône est toujours contée de cette façon, elle est davantage une expérience proche de ce que l’on peut nommer « révélation » et révèle donc aussi un état ou une disposition de d’esprit. État ou disposition de l’esprit probable d’André Lanskoy, peintre profane qui entendit toutefois la peinture, l’acte et le geste pictural comme un acte « sacré », « religieux » toutefois ramené à l’échelle humaine. Lanskoy n’a-t-il pas peint ce qu’il aimait ? Ce qui l’inspirait, n’a-t-il pas traduit et transposé ses propres révélations en peinture ? Le travail du peintre d’icône est par ailleurs inauguré par la prière et la bénédiction comme l’explique Grégoire Krug (1908-1969), dans les Carnets d’un peintre d’icônes[76]. Mais à l’immobilisme et à l’absence totale de mouvement dans l’art de l’icône, Lanskoy célèbre le mouvement, l’ascension et l’aération symptomatique de la vie terrestre. Mais il est évident que l’orthodoxe qu’il est, nourrit l’esprit du peintre qu’il est devenu. La peinture de Lanskoy, entendue à travers le prisme de ses origines et de ses attachements cultuels affirme un autre spirituel dans l’art du xxe siècle.

Le cycle de cette vie s’acheva à Ravenne, en 1973 où Lanskoy, accompagné de Catherine Zoubtchenko, commence à travailler sur un projet de mosaïque dans l’atelier de Carlo Signorini (né en 1941) qui avait enseigné la mosaïque aux Beaux-Arts de Ravenne entre 1962 et 1972. À Ravenne, les cycles de mosaïques historiques dispersées dans les édifices de la ville constituent un ensemble iconographique byzantin de premier ordre. Le christianisme de Byzance, reçu en 988 par la Russie du Prince Vladimir, façonna la terre originelle où naquit, grandit et vécu André Lanskoy jusqu’à l’exil.

Jean Grenier avait pensé, en 1956, que Lanskoy n’avait jamais quitté son pays. Catherine Zoubtchenko qui a le mieux connu l’homme et l’œuvre disait dans le texte essentiel qu’elle nous a livré : « Par chance, il a connu Ravenne, ville Byzantine, et là, parmi les somptueuses mosaïques de Galla Placida, et les siennes propres, il se sentait dans son élément.[77] » Ainsi s’est achevé la vie et la carrière de ce peintre qui aura sans doute contribué, dans le prolongement naturel de sa culture originelle, à sanctifier véritablement, la peinture et le rapport qui la lie autant aux peintres qu’aux amateurs depuis des siècles.

Charlotte Waligora

Docteur en histoire de l’art


[1] Cf. les travaux de l’historienne Catherine Gousseff (L’exil russe : la fabrique du réfugié apatride 1920-1939, CNRS Editions, 2008.

[2] Les mouvements migratoires des artistes se distinguent autant qu’ils coïncident avec la typologie des mouvements civils établie par Catherine Gousseff. L’émigration des artistes ce fit en deux temps, après la Révolution. D’une manière générale, les artistes les plus jeunes et les moins confirmés émigrèrent rapidement, jusqu’en 1921. Ils fuient la guerre civile et l’insécurité, la pauvreté, réalisant dans le même temps un souhait particulièrement fort de rejoindre Paris. Les artistes russes les plus confirmés – si l’on excepte les artistes du Monde de l’art qui étaient, pour la plupart, issus de la haute bourgeoisie – et, surtout, les plus progressistes, émigrèrent un plus tard, à partir de 1922/23, après avoir tout d’abord participé aux changements et transformations orchestrés par Lénine et A. Lounatcharski en occupant des postes de professeurs au sein des nouvelles écoles d’art.  Le Berlin de la République de Weimar où l’activité artistique et culturelle était particulièrement fort attira les artistes qui y avaient, par ailleurs, des connaissances pré-établis. Lanskoy a naturellement observé ce parcours.

[3] Cf. Jean-Claude Marcadé, « André Lanskoy – Un artiste russe dans le paysage français », in André Lanskoy 1902-1976, Palace Editions, 2006, pp. 13-33.

[4] Revue fondée par Serge de Diaghilev en 1898, avec la collaboration du « groupe des quatre du Lycée Karl May » : Alexandre Benois (1870-1960), Walter Nouvel (1871-1949), Dmitri Filossofov (1872-1940) et Constantin Somov (1869-1939). Benois et Somov émigreront après la révolution et s’établiront à Paris. Le Monde de l’Art exposera ensuite annuellement et inscrira dans le paysage de la culture artistique russe à l’aube du xxe siècle un renouveau profond de l’art pictural russe combinant une résurgence de l’esthétique populaire (art religieux de l’icône et art « folklorique ») et la synthèse ou assimilation des apports de l’Occident depuis le post-impressionnisme. Cf. Valentine Marcadé, Le renouveau de l’art pictural russe, l’âge d’homme, Lausanne, 1971.

[5] Cette politique initiée par Alexandre III et poursuivie sous Nicolas II en faveur des arts russes nationaux remis au goût du jour le patrimoine national russe. Un vaste programme de restauration des icônes permit de redécouvrir la richesse chromatique et la flamboyance d’un art qui avait noirci par des siècles de piété et de cierges offert à l’attention des saints. Les objets d’art populaire étaient alors collectionnés, valorisés, exposés et eurent une influence considérable sur l’ensemble de la création russe du début du xxe siècle.

[6] « Tramway V », inaugurée le 3 mars à Petrograd est la première exposition futuriste. Ivan Pougny et Kasimir Malevitch signent le manifeste du suprématisme. « 0,10 » débute le 17 décembre 1915. Il s’agit de la dernière exposition futuriste où Kasimir Malevitch présente le célèbre Quadrangle noir sur fond blanc, présenté dans le « beau coin » généralement réservé aux icônes dans les demeures russes.

[7] Soudéïkine s’installe à Paris en 1920, puis quitte la ville pour New York en 1922. La présence de Lanskoy dans son atelier fut donc de courte durée.

[8] Pour« Le Chien errant ».

[9] Pour « La Halte des Comédiens ».

[10] Peintre née en 1937 en Russie. Catherine Zoubtchenko arrive en France après la Seconde Guerre et suivra les cours d’André Lanskoy qu’elle rencontre en 1958. Elle deviendra son « second » et accompagnera celui qu’elle a souvent nommé le « maître » jusqu’à son décès.

[11] Zack et Poliakoff offrent des similitudes de parcours avec André Lanskoy, en dehors de l’engagement dans l’Armée Blanche, et décrivent un quotidien relayé par la presse de l’époque. Un roman intitulé Loin des icônes – Le roman des émigrés russes d’Etienne Burnet (1873-1960), directeur de l’institut Pasteur de Tunis jusqu’en 1955, propose un version romancée d’un quotidien marqué par la fuite et la survie qui coïncide néanmoins avec les témoignages retrouvés des artistes. On peut imaginer que le voyage de Lanskoy (de Constantinople à Berlin), à partir du moment où il quitte l’armée blanche, se fit dans des conditions similaires.

[12] Charlotte Waligora, « récits d’exil et périples des artistes à travers l’Europe », in La vie artistique russe en France au xxe siècle – L’art de l’émigration (peinture – sculpture), thèse de doctorat, université de Lille 3, Novembre 2008, pp. 335-345.

[13] Catalogue de l’exposition galerie T. Carmine, 1924 : Victor Barthe, Comte André Lanskoy, Constantin Terechkovitch.

[14] Maurice Allemand, « André Lanskoy », in André Lanskoy, Le journal d’un fou, de Gogol, Collages – tapisseries et autres livres, exposition au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne, 1968, p. 7-8.

[15] Dora Vallier, L’art abstrait, Hachette Littératures, Pluriel, 1980, p. 234.

[16] Jean Grenier, « Lanskoy », L’œil, n° 17, 1956. P. 33.

[17] Victor Barthe, l’aîné des trois, était arrivé à Paris en 1914, tandis que Constantin Terechkovitch émigrera après la Révolution.

[18] Source : biographie de Lanskoy, Magalie Le Mens : « Prospectus de l’exposition (photocopie fournie par Sylvie Gonzalez, directrice du musée de Saint-Denis) « A l’occasion de la visite en France du Président Nikita S. Khrouchtchev, peintres russes de l’école de Paris, livres russes et soviétiques », du 17 mars au 14 avril 1960, musée de Saint-Denis. » Œuvres de Annenkoff, Chagall, Charchoune, Hossiasson, , Kandinsky, Krémègne, Nadia Léger, Lubitch, Mintchine, Poliakoff, Pougny, Soutine, De Staël, Survage, Terechkovitch, Sonia Terk-Delaunay, Léon Zak. Maquette pour les ballets russes : Bakst, Benois, Gontcharova, Larionov.

[19] Artistes exposants : Adlen, Akopian, Andreenko, Androussov, Annenkov, Benatov, Benn, Blatas, Blond, Boberman, Bogratchew, Chagall, Chapiro, Charchoune, Chwat, Constant, Constant Judith, Delaunay Sonia, Dmitrienko, Garbell, Ghera, Gontcharova, Granovsky, Grimm, Hossiasson, de Hueck, Issaiev, Ivanoff, Kandinsky, Kikoïne, Konstan, Kovner, Kremègne, Lanskoy, Larionov, Lubitch, Mane-Katz, Michonze, Milshtein, Morhange, Naïditch, Nilouss, Orloff, Pailes, Petrova-Léger, Pikelny, Poliakoff Serge, Poliakoff (Nicolas), Pougny, Rakine, Ségal, Soutine, De Staël, Staritsky, Sterling, Survage, Tamari, Tcherniavsky, Terechkovitch, Volovick, Zack, Zadkine.

[20] Questionnement dans la thèse « face à l’histoire 1 et 2 » Charlotte Waligora « La vie artistique russe en France au xxe siècle, l’art de l’émigration peinture sculpture ».

[21] Ce sera le cas des artistes du Monde de l’art par exemple, qui exposent avec de nouveaux venus au début des années 1920 à Paris et organise ainsi le prolongement du mouvement : Exposition de l’Art Russe à Paris en 1921, du 16 juin au 10 juillet 1921, galerie la Boétie, Paris,  Exposition de l’Art Russe ancien et moderne, novembre 1921, galerie Devambez, Paris, Groupe des artistes russes « Mir Isskoustva », du 7 au 19 juin 1927, galerie Bernheim-Jeune, Paris. L’exposition de 1927 sera la dernière du groupe qui se fondra ensuite avec l’ensemble de la communauté artistique russe de France, dès 1931, si l’on excepte l’Exposition d’Art russe ancien et moderne, mai-juin 1928, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles où exposent tout à coup Ivan Pougny (1892-1956), artiste de l’avant-garde russe, et Chana Orloff (1888-1968), sculpteure judéo-russe de la Ruche.

[22] Exposition d’Art russe, peinture, dessins, sculpture, tissus artistiques, du 9 juin au 9 juillet 1931, Galerie d’Alignan, Paris. Peintures (en respectant l’orthographe patronymique de l’époque) : A. Archipov, Victor Aurel, Victor Barthe, André Beloborodoff, Léonard Benatov, Alexandre Benois, Ivan Bilibine, Maurice  Blum, N. Bogdanov-Belsky, Pierre Bogutsky, Dimitri Bouchène, Ossip Braz, Boris Chaliapine, Grigor Chiltian, Eugène Chiriaeff, Paul Chmarov, Joseph Constantinovsky, L. Enden, M. Doubinski, Nathalie Gontcharova, Alexandre Iacovleff, Stanislas Joukovski, N. Iris, Nicolas Issaeff, Nicolas Iszelenov, Michel Kikoïne, Alexis Korovine, Constantin Korovine, Pinchus Kremègne, M. Lagorio, Arnold Lakhovsky, André Lanskoy (n° 160. Nu (collection M.R. Dutilleul), 161. Paysage, 162. Intérieur,163. Intérieur), Michel Larionow, Basile Levi, Marie Louguinine-Wolkonsky, Ossip Lubitch, Pavel Mansourov, Basile Masioutine, Boris Mertchersky, Baron Théophile Meyendorff, I. Milkine, Nicolas Millioti, M. Nalevo, Pierre Nilouss, A. Orloff, O. Pachkov, Robert Pikelny, I. Pochitonoff, Hélène Polovtszoff, Ivan Pougny, Ilia Repine (+ 1931), Youri Repine, Marina Romanoff-Galitzine, Paul Sakharoff, Olga Savitch-Bernatsky, Jacques Shapiro, Serge Sedrak, Zinaïde Serebriakova, Alexandre Serebriakov, Chaïm Soutine, Alexandre Sredine M. Sterling, Serge Tchekonine, A. Tcheko-Potoka, Georges Tcherkessoff, Constantin Terechkovitch, Constantin Westchiloff, Prince Pierre Wolkonsky, Lazare Volovick, Serge Vinogradoff – Sculptures : Naoum Aronson, Citronovitch, Cléo Beclemicheff, Vera Bienaimé, G. LAvroff, Chana Orloff, Pierre Soulié, Pavel Troubetskoy, Baron Constantin Rausch de Traubenberg.

[23] Signés par les critiques d’art Arsène Alexandre notamment et Louis Réau.

[24] La revue, écrite en russe, compte deux numéros entre 1922 et 1923. Elle est « dépendante » du groupe Tcherez co-fondé par Serge Romoff et Ilia Zdanievitch (1922-1923). Ce groupe est un « satellite » (reconnu comme post-dadaïste) de l’Union des Peintres Russes à la fin de l’année 1920 et présidée par Vladimir Izdebsky (1882-1965), dont Zdanievitch fut secrétaire.

[25] Nathan Altmann, Vadim Androussov (sculpture), Georges Annenkoff, Arapoff, Bloume, Robert Falk, Serge Fontinsky, Zina Gauthier, Nicolas Gloutchenko, Nathalie Gontcharova, Z. Kouzinova, Michel Larionov, André Lanskoy, Abraham Mintchine, Pavel Mansourov, Perebeinisse, Robert Pikelny, Jean Pougny, Constantin Terechkovitch.

[26] Exposition d’Art russe, 1932, Galerie La Renaissance, 11, rue Royale, Paris. Peintures (en respectant l’orthographe patronymique de l’époque) : Léon Bakst, André Beloborodoff, Léonard Benatov, Albert A. Benois, Albert N. Benois, Alexandre N. Benois, Hélène Benois-Braslavsky, Eugène Berman, Olga Bernatsky, Ivan Bilibine, Alexandre Bondicov, Dimitri Bouchène, Joseph Braz, Boris Chaliapine, Grégoire Chiltian, Paul Chmarov, Mstislav Dobuzinski, Michel Doubinsky, Anna Duchesne, Epstein, Nicolas Gloutchenko, Grigory Gluckmann, Nathalie Gontcharova, Boris Grigoriev, Alexis Gritchenko, Alexandre Iacovleff, Nicolas Issaieff, (Jes) Serge Joukowsky, Alexis Korovine, Constant Korovine, Kremègne, Arnold Lakhovsky, Comte André Lanskoy, 78, rue Dutot, Paris 15e (N° 151. Paysage, 152. Intérieur, 153. Intérieur), Michel Larionow, Georges Loukomsky, Villa Sofia. Menton-Garavan (A.M.), Serge Mako, Véra Maslennicova, Eugénie Miller, Nicolas Milliotti, Abraham Mintchine, Nicolas Morosoff, Grégoire Moussatoff, Pierre A. Nilouss, Léonide Ouspenski, Michel Roundaltzoff, Constantin Somoff, Chaïm Soutine, Alexandre Sredine, Dmitri Stelletzky, A. Tcheko-Potoccka, Sculptures : Vadim Androussoff, Cléo Beclemicheff, Akop Gurdjan, Chana Orloff, Alexandre Ouline, Séraphin Soudbinine, Prince Paul Troubetskoy, Ossip Zadkine.

[27] Jean Claude Marcadé, op.cit., Palace Editions, Moscou, 2006, p. 13.

[28] Laurent Greilsamer, Le prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Paris, Fayard, 1998, p. 115-116.

[29] Expression « sang barbare » employée par R. V. Gindertael, op. cit., 1959 alors qu’il cite Lanskoy. Expression probablement réellement employée par Lanskoy.

[30] Id. propos issus d’une tradition orale.

[31] Pascaline Dron, Angelo Pittiglio, Lanskoy, Pittiglio Editeur, Paris, 1990, p. 22.

[32] En 1926, Lanskoy participe à l’Exposition d’ouverture, organisée par le critique Waldemar-George, et à l’exposition collective Visages au Palais de Marbre (77 avenue des Champs-Elysées). En 1929, il participe à l’Exposition d’art contemporain, qui se tient à la galerie Editions Bonaparte  (12 rue Bonaparte) (l’exposition débute le 22 février).

[33] Réunissant (en respectant l’orthographe patronymique d’époque) les peintures de Beaudin, Braque, Charchoune, De Chirico, R. Delaunay, Max Ernst, R. de La Fresnayes, Torrès Garcia, Albert Gleizes, Juan Gris, Hayden, Herbin, Kandinski, Paul Klee, Kotchar, Lanskoy, Fernand Léger, Le Corbusier, André Lhote, Lipchitz, Marcoussis, Metzinger, Picasso, Savinio, Vantongerloo, Viollier, et les sculptures de Boethy, Chauvin, Cornet, Laurens, Lipchitz, Manolo.

[34] Lettre de Lanskoy à Dutilleul, 12 mars 1929 (archives Christian Masurel).

[35] Jean-Claude Marcadé, op. cit., p. 41.

[36] Rose Vallant, Le Front de l’Art, Plon, 1961, RMNA, 1997.

[37] Gouaches et toiles d’André Lanskoy, 4-20 mai 1944, Galerie Jeanne Bucher, Paris.

[38] Emission de Georges Charbonnier, Hommage à Nicolas de Staël, France Culture, 25 mars 1965. Cf. Pascaline Dron et Angelo Pittiglio, op. cit. pp. 51-53.

[39] R. V. Gindertael, « Œuvre unique », in Lanskoy – Peintures 1947-1958, catalogue de l’exposition à la galerie Raymond Cazenave, 12 rue de Berri, Paris, 22 mai – 22 juin 1959.

[40] Catherine Bernard-Guinle, « Esquisse », in « André Lanskoy 1902 -1976 œuvres sur papier des fonds Maurice Chassagne et Catherine Zoubtchenko » Catherine Bernard – Michel Guinle, 2004, p. 52.

[41] id.

[42] Laurent Greilsamer, op. cit, p. 134.

[43] Propos recueillis dans le cadre de l’exposition « Lanskoy rencontre ses proches (Nicolas De Staël, Vassili Kandinsky, Paul Klee, Serge Poliakoff, Chaïm Soutine, Léopold Survage », Musée d’Unterlinden, Colmar, du 25 Juin au 1e Octobre 2006.

[44] Catherine Zoubtchenko, « André Lanskoy », in André Lanskoy 1902-1976, Palace Editions, Moscou, 2006, p. 11. (Texte rédigé en septembre 1989)

[45] Id.

[46] Sixième ouvrage édité par les bibliophiles de l’Union Française. 125 exemplaires nominatifs sur Vélin pur chiffon d’arches numérotés de 1 à 125, 12 exemplaires de A à L réservés à l’artiste, XXV exemplaires numérotés de I à XXV, pour la collaborateurs. L’ouvrage comprend 24 feuillets. Tiré à part sur Japon nacré 30 suites de 9 hors textes. Achevé d’imprimer le 5 mai 1966.

[47] Op. cit.

[48] 66 x 44 cm, papiers découpés, gouachés et collés sur papiers à dessins gouachés.

[49] Pierre Lecuire, Dédale, 10 ex. numérotés de 1 à 10, comportant une suite sur chine de 23 gravures, plus 15 gravures refusées également sur Chine. 15 ex. numérotés de 1 à 25 comportant une suite de 22 gravures, 145 ex. numérotés de 26 à 170. 20 ex. marqués de H à T. réservés aux collaborateurs, signés et numérotés par l’auteur et l’artiste, Papier d’Auvergne à la main du Moulin Richard-de-Bas, Edités par Pierre Lecuire, presses de Fequet et Baudier, et G. Leblanc, décembre 1960, Paris. Gravures : 32 x 18 cm.

[50] Pierre Lecuire, Cortège, illustré de 23 planches et une couverture en couleur de Lanskoy, achevé d’imprimer en décembre 1959. Planches au pochoir par Maurice Beaufaume, d’après les papiers de lanskoy, presse de Marthe Fequet et Pierre Baudier. Edité par Pierre Lecuire. 150 ex. sur Velin d’Artches, dont 25 numérotés de 1 à 25 comportant une suite sur Vélin d’Arches et 125 numérotés de 26 à 150. 20 exemplaires hors commerce numérotés de I à XX, tous les exemplaires signés par l’artiste et l’auteur.

[51] Pierre Lecuire, « Poèmes et livres, révélateurs de la lumière », in The books of Pierre Lecuire, The grolier club, new-York 1994, p. 14.

[52] Il respecte l’ordre chronologique d’adhésion à l’œuvre et d’engagement auprès du peintre.

[53] R. V. Gindertael, op.cit.

[54] Toutes les notes conservées aux archives nationales sont signées « Madame Lamy », elle est souvent citée en ces termes par ses collègues. Son prénom nous est inconnu en dépit de demandes et de recherches.

[55] Archives Nationales, Série F/21 « achats et commandes de l’état, peintres 1941-1950 ».

[56] 1949, huile sur toile, 97×195 cm, achat de l’Etat, 1949, Inv. : AM 2912 P.

[57] Comparativement aux notes plus détaillées sur l’importance et le parcours des artistes dont les œuvres étaient proposées à l’achat.

[58] Archives Nationales, série F/21, « achats et commandes de l’état, peintres 1951-1960.

[59] Noir et blanc Titre attribué : Camaïeu en noir et blanc, vers 1949, fusain et crayon sur papier, 107×74 cm, Inv. : AM 1928 D

[60] Achives Nationales, série F/21, « achats et commandes de l’état, peintres 1951-1960.

[61] Composition, 1957, huile sur toile, 114×146 cm, Inv. : AM 3751 P.

[62] Dessin, vers 1946, fusain sur papier, 112×74 cm, Inv. : AM 3285 D.

[63] Arrêté du 16 décembre 1963, num. de dépôt 28311, œuvre localisée au Musée de Saint-Etienne. Sources pour ces trois achats : AN F/21 et Fond National d’Art Contemporain.

[64] Id. sans référencement au dépôt.

[65] Verre cassé, vers 1950, fusain et gouache sur papier, 107 x 73,5 cm, Inv. : AM 1977-165 et Une autre source, 1967, huile sur toile, 195 x 97 cm, Inv. : AM 1976 – 991.

Inv. : AM 1976-991, En dépôt depuis le 17 septembre 1999 : Assemblée nationale (Paris)

Sources mnam, et archives nationales F/21 1936-1965.

[66] 1964, huile sur toile, Inv. : AMVP 1647.

[67] R. V. Gindertael, André Lanskoy et Geer Van Velde, du 6 mai au 5 juin 1966, Musée Galliera, 1966.

[68] Jean Bouret, Les artistes russes de l’école de Paris, Maison de la Pensée Française, 2, rue de l’Elysée, Paris VIIIe, du 21 juin au 1er octobre 1961, pp. 3-4.

[69] Catherine Zoubtchenko, op. cit., p. 9.

[70] Id.

[71] Lettre à Pierre Lecuire, le 3 décembre 1949, in Françoise de Staël, Catalogue raisonné de l’œuvre peint – Lettres de Nicolas de Staël, Ides et Calendes, 1998, p. 871.

[72] Ecrit en 1953, à l’occasion de son exposition à New York, in Catalogue raisonné de l’œuvre peint – Lettres de Nicolas de Staël, op. cit., p. 1035.

[73] id.

[74] Leonide Ouspensky, Vers l’unité ?, YMCA-PRESS, Paris, 1987, p. 25. CF. Charlotte Waligora, « Art national et style « historique russe » – L’art religieux », op. cit., p. 391-412.

[75] Antoine Rivière, Les Orthodoxes russes, Brepols, 1993, p. 146-147.

[76] Moine Grégoire G. I. Krug, Carnets d’un peintre d’icônes, L’Age d’Homme, Lausanne, 1983.

[77] Id.